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Storytelling : Une histoire doit-elle être vraie ?

Depuis quelques jours, le Web s’enflamme autour d’un personnage et entrepreneur : Oussama Amar. L’objet de ce badbuzz ? Il serait un menteur, un bullshiteur, comme on dit dans le Web. Mais, au-delà de la question de savoir si ce qu’il dit est vrai ou non, celle qui m’intéresse aujourd’hui est la suivante : ce qu’il dit doit-il être vrai ?

Et, plus encore : Est-ce qu’une histoire doit être vraie pour fonctionner ?

A quoi servent les histoires ?

Plus que « Qu’est-ce qu’une histoire ? », la question que je vous pose est la suivante : à quoi sert une histoire ? Quel est son pouvoir réel ? Dans le chapitre II de mon livre « Le pouvoir du storytelling », vous y lisez les trois grands rôles du récit :

  • La quête de sens (l’humain est un enfant qui demande « pourquoi ? »),
  • La transmission (apprendre de ses anciens),
  • L’identification (ce qui nous ressemble nous rassemble) ;

Ces rôles sont à mettre en parallèle avec les trois grands pouvoirs du récit, toujours identifiés dans ce livre :

  • Le neurone miroir (vivre par procuration),
  • La catharsis (quand le récit devient remède),
  • L’impression rémanente (les traces du récit sur l’âme) ;

Maintenant que vous avez cela en tête, déroulons quelque peu. Nous aimons les histoires pour les sensations qu’elles nous procurent. Pour ce qu’elles nous permettent d’apprendre de façon ludique, d’interroger de notre morale, de nos sentiments et de notre rapport au monde. Nous aimons les histoires, parce que nous sommes des animaux de récit et que toute notre existence tourne autour des récits que nous créons en permanence et qui nous lient au reste du monde. Du mythe fondateur qui établit une identité culturelle à la bio Tinder qui tease une promesse d’expérience amoureuse ou sexuelle, notre rapport à l’autre et au cadre dans lequel nous vivons s’articule autour des récits.

En ce sens, les histoires ont un rôle profondément structurel. Elles racontent qui nous sommes et façonnent ce que nous sommes. Elles nous permettent de transmettre informations et émotions, et de bâtir un commun autour duquel nous pouvons faire société. Elles sont, par essence, essentielles.

Mais doivent-elles être vraies pour être utiles ? Doivent-elles être vraies pour que leur magie opère ?

Fiction et non fiction, de la véracité du récit

Dans un commentaire LinkedIn à propos de ce badbuzz autour d’Oussama Amar, l’équipe de Vendez Votre Histoire (VVH), constituée d’Antoine Calmel et de Nicolas Sauviat évoquait avec justesse l’exemple des fables de La Fontaine. En prenant pour exemple celle du lièvre et de la tortue, il était question de montrer que la morale de la fable avait une importance supérieure à la véracité du propos. En effet, nous savons qu’un lièvre court plus vite qu’une tortue. Nous savons qu’il est impossible que les animaux parlent ou fassent même une course. Pourtant, ce qui importe dans ce récit est la morale que l’on en tire. Indépendamment de la véracité du propos.

Et ce fait repose sur la nature même du récit. Dans son livre « Psychanalyse des contes de fées », Bruno Bettelheim dépeint les contes comme un moyen, par le récit, de transmettre de la morale aux enfants, mais surtout de leur permettre de dénouer des conflits psychologiques grâce à l’identification. En ce sens, le récit délivre un bien précieux : une meilleure compréhension de nous-même et de ce qui nous entoure.

La Fontaine n’a pas besoin de nous dépeindre l’histoire vraie de deux boulangers qui firent une course au meilleur pain. Il n’a pas besoin non plus d’aller jusqu’à nous raconter une véritable anecdote de Marathon pour qu’on comprenne sa morale. Et l’important ne réside pas dans le texte, mais bien dans ce qu’il délivre.

Mais est-ce possible d’illustrer par métaphores ou récits fictifs des propos quand on est entrepreneur ? Ou plutôt, peut-on faire un storytelling basé sur du mensonge aujourd’hui ?

Le problème fondamental du storytelling

Chaque fois que je parle de storytelling avec des néophytes, je me heurte à cette réaction : « Ah ouais, tu manipules les gens avec des mensonges… » Et j’ai gravé cette réplique dans ma petite âme meurtrie de storyteller. Pourquoi ? Non pas pour me flageller avec et entrer en dissonance systématique avec mon métier, mais pour ne jamais perdre de vue que c’est possiblement le rapport qu’ont les gens avec cette discipline. Et, par extension, que c’est la méfiance qu’ils peuvent avoir faces aux histoires.

Et pourquoi est-ce important ? Parce que cela m’oblige à ne pas trahir leur confiance lorsqu’ils me l’accordent. Aujourd’hui, le public et les clients en général sont pareils à des désabusés de l’amour et du sexe. Ils ont déjà été trompés, manipulés, forcés à faire des choses qu’ils ne voulaient pas. Ils sont méfiants. Et, pire, ils sont devenus exigeants.

À l’instar d’une jeune femme rencontrée sur une application qui ne veut plus de bonimenteurs et de flemmards dans sa vie, de coureur de jupons et de bordélique, le public refuse les entourloupes narratives dans le seul but de les manipuler et de les pousser à acheter. Ils ont désormais l’expérience de vendeurs de tapis et des réclames des autres temps qui promettaient que la cigarette était bonne pour la santé. Ils savent que la pub peut leur mentir. Ils savent que le storytelling peut être faux.

Mais, ils ont envie de faire confiance, de donner une nouvelle chance. Et il s’agit de ne pas la trahir. Parce qu’ils ont cette crainte, les clients sont exigeant. L’ère du tout storytelling ne leur suffit plus. Ils veulent du concret, de l’action. Ce qu’on appelle le storydoing et exigent que les marques qui prétendent s’engager s’engagent véritablement [1]. Et gare à celles qui oseraient mentir !

Pourquoi ? Parce que la confiance serait alors rompue et qu’il y aurait tromperie !

Storyteller n’est pas tromper

Tout le noeud de ce bad buzz et de la question du storytelling se trouve ici : est-ce que raconter de fausses histoires dans son storytelling est tromper son public ? Oui, ai-je envie de répondre, dès lors que le contrat tacite a été rompu.

Lorsque vous êtes faces à une histoire destinée à vous divertir, vous accordez ce qu’on appelle la « suspension de crédulité ». Vous acceptez que le cadre de l’histoire propose des choses irréelles ou invraisemblables. Des animaux qui parlent et font la course, des chiots qui conduisent des engins, des dragons et des magiciens qui s’affrontent.

Mais ce rapport au récit n’est pas le même dès que l’on est face au storytelling d’une marque (que cela soit d’un politique, d’une entreprise ou encore d’un entrepreneur). Le contrat tacite se trouve être soudainement bien différent : la suspension de crédulité n’existe plus.

Soudain, les histoires se doivent d’être vraies, vraisemblables, réelles. On ne pardonne pas la création de récits fictifs pour délivrer un message pourtant concret. Pourquoi ? Parce qu’il est question de confiance et de la portée de cette confiance. La promesse d’un auteur est de vous faire voyager ou réfléchir. Celle d’une marque est de vous améliorer et d’améliorer votre vie… en échange de votre confiance. Cette dernière peut se traduire par votre engagement, votre argent, etc.

À l’instar de la jeunette sur son application de rencontres, les enjeux pour un public sont trop élevés. Le « Quoi, en réalité tu n’es pas vraiment célibataire ?! » devient ici « Quoi ? En réalité le succès que tu connais et les réussites reposent sur du vent ?! ».

Cette rupture de confiance devient alors une blessure aussi forte qu’une tromperie amoureuse. Parce que l’engagement émotionnel, financier, etc. des gens a été très important. Si Oussama Amar essuie des critiques aussi violentes, ce n’est pas parce qu’il raconte de fausses histoires. Mais parce que le contrat tacite passé avec son public supposait que tout ceci était vrai !

La quête de sens au centre des récits

Pourquoi les histoires et anecdotes d’entrepreneurs ou de marques sont importantes à nos yeux ? Parce que nous avons besoin de croire qu’il existe des récits réels qui promettent des lendemains qui chantent. Nous avons besoin de ces contes pour adultes pour interroger notre rapport à la société, mais surtout nourrir un espoir.

Lorsqu’un enfant lit un conte et s’identifie au personnage qui va résoudre un problème, il sait que les dragons n’existent pas, mais arrive à prélever l’essentiel : tu peux y arriver avec ingéniosité, générosité, etc.

Mais lorsqu’un adulte lit un storytelling d’entrepreneur qui raconte une success-story, il accorde une pleine confiance, car il transforme ce qui est un récit en anecdote, en leçon d’apprentissage… en exemple à suivre. Car, plus qu’un message subliminal ou une morale, il cherche une validation d’un autre récit, d’un méta-récit plus global : il est possible de réussir dans cette société. Il est possible que je devienne cet entrepreneur à succès.

L’erreur fondamentale du public à ce moment est sa déconnexion avec le récit. Son incapacité à rechercher du sens dans une histoire (qu’elle soit vraie ou non), et sa volonté d’y lire une promesse.

C’est un peu comme si un enfant, face à un conte, espérait réellement que s’il devenait orphelin, un mage étrange viendrait un jour frapper à sa porte pour lui annoncer qu’il est le héros d’une prophétie. Imaginez un peu la quantité de parents qui se retrouveraient égorgés dans leur sommeil si nos enfants se mettaient à prendre au premier degré n’importe quelle histoire…

En définitive, je me demande si ce badbuzz n’illustre tout simplement pas le déracinement du public face à la question des histoires et si, finalement, le vrai problème ne provient pas de notre rapport à ces dernières. Je soulève même la question d’une certaine candeur face au récit. Une candeur qui, heureusement pour nos vies, ne s’est pas emparée de nos gosses.

Pour répondre à la question

Non, une histoire n’a pas besoin d’être vraie. Malheureusement, le public actuel a besoin que le storytelling soit vrai. Malheureusement (bis), c’est moins lié à une juste position et un juste rapport à ce que doit être le storytelling qu’à une forme d’immaturité face au récit.

Peut-être qu’à force de vouloir tout voir sous le prisme de ce fameux « Réel » nous avons coupé le public de sa capacité à comprendre les récits et à en extraire l’essentiel ? Ou bien est-ce parce que nous avons trop menti que la tromperie n’est plus acceptable aujourd’hui ?

J’ai pour coutume de dire « le public a toujours raison ». En Marketing, hélas, ce qui marche n’est pas ce qui devrait sensément marcher, mais ce qui remporte les suffrages. Cependant, bien que je comprenne cette défiance, mon âme de narratrice se désole de ce rapport manichéen et finalement appauvri au récit.

Mais peut-être que je me trompe moi-même et que, définitivement, je fais un métier consistant à manipuler les gens…

Sources :

[1] 90% des Français veulent que les marques s’engagent vraiment

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