Avec l’engouement pour les envolées lyriques et le Storytelling, il y a matière à voir de gros pâtés sémantiques ridicules. Idem côté écriture d’invention, où c’est souvent notre volonté de démontrer qu’on sait faire et qu’on est des poètes qui parle.
Cette volonté se retrouve aussi dans la Rédaction Web, et ce n’est pas avec une culture de l’excès comme on traîne ces derniers temps qu’on pourra arriver à faire le tri. Mais en attendant, moi je saigne des yeux, et il est temps que je le dise : ami-es Rédac’, n’en fais pas trop non plus.
Faire chanter les analytics
Que cela soit sur nos sites vitrines, dans nos articles ou en clientèle, nous ne sommes pas les derniers à écrire des monceaux de lieux communs faussement mignons pour montrer que c’est un métier artistique.
L’une des erreurs que je vois le plus – et qui n’a pas grand-chose à voir avec le fait de débuter, étrangement – consiste à croire que mettre de l’émotion dans un texte, c’est tenter de rendre poétique tout ce qui ne l’est pas.
Et je vous spoile la fin de l’article : faire « danser les mots sur la symphonie des Serps » n’a aucun sens, et ennuie profondément tout le monde. Parler directement et de façon technique à vos clients ne vous enlève en rien votre patte artistique ni votre talent.
Pro-Tip : Vérifiez que le texte demande vraiment de s’épancher de la sorte. Est-ce que le lecteur vient vous voir vous « écouter écrire », ou est-ce qu’il cherche une information ?
Faire des effets de style au risque de se planter
Le truc que je vois hélas souvent – et qu’il m’arrive encore de faire, d’ailleurs – c’est la surabondance d’effets de style, au risque qu’ils tombent à plat.
La métaphore est un excellent exemple du procédé sur et mal exploité. Faire un texte sans aucune métaphore n’est pas le gage d’un mauvais texte, rassurez-vous. Vous arriverez tout à fait à faire dans le sensationnel (au sens strict, donc), en vous passant d’analogies hasardeuses.
Idem pour l’allégorie ! J’adore pour ma part cette dernière (comme toutes les formes de personnification), mais point trop n’en faut ! Si elle n’est pas lisible ou ne sert absolument pas votre propos, vous passerez… pour un con. Disons-le.
Quant à la périphrase, je sais que notre métier se fonde en grande partie dessus (répétitions obligent), mais attention aux lieux communs et à la surabondance de qualificatifs (confinant souvent au pléonasme). On sait que le soleil est « l’astre du jour », pas la peine de nous dire que c’est « l’astre brillant du jour éblouissant ».
Pro-Tip : A moins de faire dans le procédé d’accumulation (utilisé en ironie), veillez à ce que vos mots aient une raison d’être. Pensez à la scène du Bourgeois Gentilhomme quand il converse avec son maître lettré à propos de sa « Belle Marquise ».
Les trucs qui m’énervent le plus et risquent d’énerver vos lecteurs ?
Votre prétention. Et je ne suis pas la dernière en la matière. Mais à moins que vous vous fichiez réellement de l’opinion de votre lectorat, et que vous soyez en pleine représentation, croyez-moi, vous vous tirez une balle dans le pied.
Je parle bien entendu ici de la prétention dans le texte. Ne faites pas de page de présentation qui raconte votre tendre enfance avec force d’adverbes creux et convenus. Tout d’abord, parce que vos clients n’embauchent pas votre lieu de naissance, mais surtout parce qu’on s’en fout, très sincèrement.
Ça n’a rien de mignon ou d’intime. Ne confondez pas émotion et voyeurisme raconté à la « Martine vous présente sa fiche à propos ».
Si vous n’avez rien de sensationnel à écrire, ou si ça ne vient pas, ne forcez pas. Vous allez OBLIGATOIREMENT puiser dans le ridicule pour démontrer que vous savez faire.
Ce conseil vous est donné par quelqu’un qui a pu écrire, et avec fierté, en plus ! « Depuis que nous avions pénétré cette terre plus aucun bruit ne se faisait entendre, seul le bruit de nos pas résonnait comme un écho. » Et le fait d’avoir 15 ans n’excuse en rien ce contresens ridicule.
D’accord, quelques conseils du coup ?
- Se relire. À voix haute. Quelques heures, voire jours plus tard. Pour commencer, c’est déjà pas mal. N’hésitez pas non plus à faire lire à des gens qui ont l’habitude de lire autre chose que des articles de blog.
- Un conseil que je me suis forgé et qui me suit à chaque fois que j’écris : tous les mots n’ont pas vocation à être qualifiés. Vous pouvez parler d’une pêche sans dire qu’elle est juteuse. Vous pouvez évoquer un cœur sans dire qu’il est gros et/ou battant la chamade, lourd, meurtri, et j’en passe. Une erreur qu’auteurs et rédac’s ont tendance à faire en boucle consiste à qualifier chaque mot commun employé. Ça alourdit le texte, c’est vraiment grotesque, et ça vous empêche de hiérarchiser les émotions et informations que vous souhaitez faire passer.
- Faire des choix. Vous n’allez pas évoquer tous les aspects d’une personnalité, toutes les caractéristiques d’un produit, toutes les spécificités d’une entreprise. ENCORE MOINS DANS LA MÊME PHRASE ! Même si ça vous semble « joli » d’évoquer l’amour des mots, puis random de l’herbe qui pousse, merci de (re)mettre de la logique dans votre propos !
- Ne pas essayer de faire comme. Comme Stephen King, comme J.K.Rowling, comme… Comme quelqu’un d’autre que vous qui a des défauts d’écriture, si si, je vous assure. Chaque auteur a ses tics, qu’on trouve géniaux sur le moment, parfois très redondants sur une œuvre complète. Lovecraft est un parfait exemple de supercherie poétique, si vous voulez mon avis. Faites comme vous le ressentez en premier lieu, ne copiez surtout aucun style, vous courrez à la catastrophe.
- Ne soyez pas scolaire. Le storytelling n’est pas une page qui commence par « il était une fois », le blogging ne se termine pas obligatoirement par un « et vous, qu’en pensez-vous ? » Emparez-vous de votre outil de travail, vous n’êtes pas à l’école.
- Écrivez de tout. Forcez-vous à écrire aussi bien de l’érotique que de la SF, du fantastique que du polar, du roman de gare, que de la poésie. Ça vous apprendra à manier le style juste en fonction de votre propos et de son but.
Au boulot !