Jusqu’ici, nous avons vu comment le concept d’A la Moldue est né, et comment j’ai créé des personnages originaux pour cette fiction, comment j’ai retravaillé les personnages existants.
Aujourd’hui, nous nous intéresserons à un autre pan capital de l’histoire : son scénario.
À la Moldue étant une fanfiction, nous allons rappeler qu’une partie de l’œuvre reprend des éléments scénaristiques de l’original pour mieux s’en détacher. Comment, en commençant par un concept on déroule toute une trame et comment la tenir sur le long terme.
Je l’ai dit dans l’introduction de cette série : A la Moldue est née d’un concept. Comme la plupart de mes histoires.
Ici, c’était une Moldue dans l’univers de Harry Potter, nous permettant de nous interroger sur ce monde et sur le nôtre. Je voulais utiliser le monde d’Harry Potter pour critiquer le nôtre en partant dans un univers en guerre contre un ennemi radical refaisant surface. L’idée était de montrer comment une société peut glisser vers ce qu’il y a de pire en luttant contre le « mal ultime ».
Le parallèle avec le retour des idées fascistes n’était pas bien compliqué à trouver, et les attentats de 2015, et toute l’hystérie qui en découle depuis n’ont fait qu’apporter de la matière à ma créativité.
La trame de mon histoire allait donc s’articuler sur une lente descente aux enfers totalitaires.
Que cela soit pour un jeu de rôles, une nouvelle, ou un roman, je procède toujours de cette manière :
Cette hiérarchisation n’est pas mieux qu’une autre, il s’agit de celle que j’ai développée à force d’écrire des scénarios de jeux de rôles. Je suis une grande spécialiste de la partie improvisée sur une feuille A5 un après-midi qui commence par trois phrases sans grande prétention et se termine par la création d’un univers folklorique à part entière avec des enjeux dramatiques.
Il n’y a pour moi qu’une seule vérité : la structure narrative. Vous pouvez tourner ça dans tous les sens, une histoire va reprendre ça.
Ce qu’on appelle bien souvent « le Pitch Pixar » — et qui est en réalité une invention de Kenn Adams, dramaturge et enseignant — est une des meilleures bases de travail qui existe à ce jour.
Il ne s’agit ni plus ni moins que du déroulé de ce que vous appreniez à l’école avec la situation initiale, les péripéties, etc.
L’histoire d’Harry Potter suivait son cours normal, mais un jour, une Moldue arrive. À cause de ça, la trame normale est perturbée, le monde part en sucette et c’est la guerre, jusqu’à ce que le grand méchant soit vaincu, et que finalement leur monde soit tombé dans une sorte de fascisme.
C’est un peu mince tout ça, vous ne trouvez pas… ? Oui, parce que ce n’est pas comme ça qu’a été conçue ALM. En réalité, elle reprend ce découpage (contient beaucoup de spoilers) :
Peu importe que vous suiviez ce schéma ou non, votre histoire doit montrer des changements.
À moins de vouloir raconter un quotidien, si vous souhaitez tenir en haleine vos lecteurs, vous devez introduire des changements. La situation de départ et la situation finale ne doivent pas être les mêmes. Non seulement vos personnages doivent avoir évolué, mais votre monde aussi.
Dans cette idée, j’ai tendance à découper mes histoires en phases. Quand j’ai conçu ALM, je n’ai pas tiré le pitch Pixar en me demandant ce que j’allais mettre. J’ai réfléchi aux grands changements que je voulais avoir :
Et que cela soit chez Jane Smith ou dans le ton de l’histoire, nous passons :
Ça a été une des questions d’Achille, lors du #AskALM :
Est-ce que j’ai pu tenir l’histoire d’ALM comme je le voulais ?
Oui, et non. J’ai réussi à aller là où je voulais aller, mais en allant beaucoup plus loin que ce qui était prévu au départ. Et ça se voit d’ailleurs dans le très (trop ?) net changement de ton en cours de route. Mais quand j’ai jeté les premiers mots du chapitre 1, j’avais déjà en tête les derniers du dernier chapitre. Je savais par quelle scène ça allait se terminer, par quelle ligne de dialogue à peu près, et j’étais certaine que le dernier mot de mon histoire serait le mot « histoire » (parce que dans Harry Potter, le dernier mot du dernier tome est « cicatrice »).
Et voilà donc mon conseil : à l’instar de la navigation, fixez-vous un cap. En cas de houle, suivez les mouvements de la barre, et sinon, gardez-la en direction de votre point d’horizon.
Enfin, ultime point important à aborder selon moi : la relecture et la réécriture. Certes, je dis cela alors qu’ALM ne sera pas modifiée profondément, là où je me serais pliée à l’exercice si cela n’était pas une fanfiction.
Seulement voilà : elle mériterait des ajustements. Parce que j’ai été longue à certains moments, parce qu’à d’autres je suis passée trop rapidement.
De façon générale, votre scénario va être efficace si vous avez accepté l’idée qu’il puisse être ajusté suite au déroulé de votre histoire. Et cela peut se faire en cours de route ! Ne restez pas buté sur une idée si vous sentez qu’en la réalisant (ou en la relisant) elle n’apporte strictement rien.
Combien de fois vous êtes-vous dit que tel film/livre/série aurait mérité xmn de plus ou de moins, eh ?
Et maintenant que vous avez les bons outils pour commencer le travail, nous pourrons parler des dialogues, de l’humour, et d’autres éléments importants vus via ALM.